Aujourd’hui, je vous propose le test d’un jeu de niche (comprenez : qui n’intéressera pas tout le monde). Je suis tombé dessus un peu par hasard, mais il se trouve qu’il est “pile dans mes cordes” (si vous voyez la référence).

Une simulation de paléontologie

Pas une simulation de gestion de musée, ni de conduite off-road. C’est une simulation de paléontologie. Ça, c’est pour clarifier pour les quelques uns qui se plaignent. Parce que sur les 697 évaluations laissées sur Steam, il y en a quand même 185 qui sont négatives, et parmi celles-ci, certaines sont très dures, voire complètement inappropriées.

Le concept du jeu est d’incarner un paléontologue. Le début du scénario est ponctué de saynètes, où le narrateur parle de sa passion pour les dinosaures dès ses quatre ans. Au terme d’un récit réaliste (quoique très optimiste), il finit par faire un stage au musée, et déterrera ses premiers dinosaures. À nous ensuite de le guider vers l’expansion de ses exhibitions jusqu’à l’amener au Muséum National.

Le métier de paléontologue tel que dépeint dans Dinosaur Fossil Hunter (DFH) consiste à :

C’est un jeu de niche. Il faut bien comprendre ici qu’un studio (Pyramid Games) a décidé de laisser deux de ses développeurs travailler sur un projet dont l’accueil serait incertain et surtout, restreint, alors qu’ils ont un jeu un peu plus mainstream dans les bacs (Occupy Mars). Par conséquent, il a plusieurs choses à saluer ici :

Du coup, la communauté du jeu est restreinte, et c’est tant mieux : ceux qui, comme moi, persistent à y jouer y trouvent leur intérêt.

Reconnaissons que, peu importe la profession, il est difficile d’en faire un simulateur vraiment fun. Or, on lui reproche son manque de fun, de l’ennui, des bugs, bref, tout ce qu’on peut reprocher à un jeu qu’on n’a pas aimé.

Mettez-moi devant un FIFA, je me fait chier, je trouve tous les défauts du monde au moteur graphique, je me plaint de la lenteur du chargement et de la répétitivité des tâches. C’est pas pour autant que vous allez me voir poster une évaluation négative du jeu. Je n’aime pas FIFA, je m’en tiens éloigné.

En ce qui me concerne, même si j’ai hésité à le prendre, je ne regrette pas du tout mon achat. J’estime être tombé sur une pépite qui mérite qu’on s’y attarde, de sorte à donner envie aux développeurs et à Pyramid Games de continuer à le maintenir.

Je vais tenter d’en faire une critique honnête, c’est-à-dire de ne pas minimiser les points négatifs. C’est donc par là que je vais commencer, après avoir précisé comment j’y joue.

Environnement de jeu

Je joue sur mon Alienware Aurora R10 Ryzen Edition, CPU AMD Ryzen 9 5900X, 32GB de mémoire vive, NVidia RTX3080 10GB, sous NixOS. Le jeu étant conçu pour Windows (et reposant sur le moteur Unity), c’est à Proton qu’est confiée la tâche de le faire tourner. Notez en outre que j’utilise le Magic TrackPad d’Apple et mon clavier (pas de manette).

Voir aussi

Points négatifs

Il est largement reproché à DFH de ne pas être optimisé, et c’est vrai. Mais j’ai tendance à mettre ça sur le compte du moteur, qui est probablement difficile à appréhender, et/ou sur les ressources (notamment temporelles) que Pyramid Games a accordé à ce jeu, plutôt qu’à la motivation ou aux compétences des devs. Parce qu’on ne dirait pas comme ça au premier lancement, mais il y a plus dans ce jeu que ce qu’on veut bien y voir après une heure ou deux d’expérimentation.

Certes, le jeu semble peu optimisé : cela se traduit par le sentiment qu’il est bridé à 60FPS quand on pourrait aller bien plus loin. Cependant, les temps de chargement sont assez courts, bien plus courts que dans d’autres jeux, même mainstream. Même remarque d’ailleurs concernant les temps de sauvegarde.

On peut peut-être aussi lui reprocher son austérité de série B : on a l’impression de lancer un jeu des années 2000, alors qu’il est sorti en 2022. Ça, c’est probablement parce que le paquet a été mis sur le gameplay plutôt que sur le packaging, et personnellement, c’est sur ce que m’apporte le jeu que je me base pour l’évaluer, pas (seulement) sur des intros à la Michael Bay.

Au contraire, je dirai même que cette simplicité dans la présentation rend le jeu intimiste, plutôt qu’intimidant. Comme un cadeau (qu’on aurait payé, commencez pas…) que les développeurs ont voulu se faire et faire aux autres passionnés, avec un angle différent de ce à quoi on est habitués.

Parce que, quand vous regardez la liste des jeux sous Steam où il est question de dinosaures, on n’a pas énormément de choix :

Là, avec DFH, on a enfin un jeu :

Les commentaires négatifs passent un temps assez long à dénigrer le manque de fun de nettoyer les os à la main, retourner à la carrière, en chercher d’autres, recommencer, etc. Je reconnais qu’on nettoie le premier fossile, os après os, avec curiosité ; mais par la suite, on se demande si on ne va pas être obligé de le faire systématiquement parce que c’est assez long.

Je note toutefois que ce “mini-jeu” de préparation des fossiles est très permissif. Le jeu ne demande pas un nettoyage exhaustif, seul un pourcentage de la surface de l’os doit être nettoyé. En plus, toutes les étapes du nettoyage sont montrées.

Et je crois que c’est là un point à améliorer. Certes, à ce moment du jeu, le vrai paléontologue que l’on incarne connaît déjà son métier, mais le joueur veut peut-être un peu de découverte et d’apprentissage : c’est quoi “ramollir la matrice” ? Quel est ce liquide fluo qu’on vaporise ? Pourquoi on brosse deux fois ? Je pense qu’il aurait non seulement utile mais aussi pertinent d’indiquer, dans une pop-up par exemple, le produit qu’on est en train d’utiliser et pourquoi.

D’ailleurs, j’aurais adoré aussi savoir sur quel os je travaille, avec de vraies informations scientifique (par exemple, si je nettoie la scapula d’un T. rex, le jeu pourrait m’indiquer qu’elle est actuellement en position ventrale ou dorsale et, pourquoi pas, me dire quand et comment on a découvert cette scapula - si l’info est intéressante : anatomie comparée, elle n’existait dans aucun registre fossile alors on l’a créée, etc.).

Il manquerait peu de chose pour en faire un véritable serious-game vraiment didactique, et je crois qu’un contenu encyclopédique serait le bienvenu.

Au-delà de ces quelques points, il faut noter qu’il existe une progression dans le prestige du musée, qui confère au joueur des points à dépenser dans diverses aptitudes telles que creuser ou identifier une roche plus rapidement, obtenir des drones de transport pour s’éviter les allers-retours au hub, mais aussi du personnel qui s’occupera de nettoyer les ossements à notre place, au moins en partie.

D’autres éléments du jeu méritent encore d’être améliorés :

Autre point vertement condamné par les joueurs les plus intransigeants : les déplacements, en particulier en véhicules, semblent particulièrement pénibles. Je dis “semblent”, parce que quand tu les conduis comme tu es censé le faire (calmement, à vitesse limitée parce que tu roule sur des chemins à peine assez larges que le véhicule), ça se conduit pépère. C’est sûr que si tu te la joue Colin Mc Rae avec un SUV, tu vas passer ton temps dans le décors… Je rappelle que tu transporte des os vieux de dizaines de millions d’années, et qu’ils sont très fragiles. Je ne te voudrais pas comme livreur Amazon, toi qui dit que le pilotage dans ce jeu c’est de la merde…

Authentiquement, je regrette simplement deux choses :

J’explique ce dernier point en détails. Le jeu (les mini-jeux) est très facile. On peut creuser vers le haut pour déloger un rocher qui doit bien peser quelques centaines de kilos, il nous tombe dessus, on est simplement poussés. De même, on fonce dans le vide, la voiture fait des tonneaux, mais personne n’a la moindre bosse. Dans ces conditions, on n’attribue aucune valeur aux ossements puisqu’on ne peut les perdre ou les détruire pendant le transport. Et on ne prend pas garde à notre personnage puisqu’il ne peut pas mourir (au pire, s’il se noie par exemple, il réapparaît un instant plus tard, frais comme un gardon, sans aucune contrepartie).

En outre, lors du mini-jeu de préparation des ossements, les vrais paléontologues savent que c’est une étape qui nécessite une grande minutie pour ne pas détériorer le fossile.

Ici, on clic-bourrin pour nettoyer, on ne fait que la moitié, et c’est OK. Le joueur serait peut-être forcé à plus de délicatesse si le jeu se montrait un peu plus punitif dans la manipulation des ossements, en plus de renforcer l’aspect “simulation”.

Mais bon, vu que déjà là un quart des joueurs a l’impression d’être punis, est-ce que ça vaut bien le coup de corser la difficulté…

Je rajouterai quelques points pour être tout à fait exhaustif :

Points positifs

On se sent un peu à l’étroit dans la première carrière. Heureusement, assez vite, on dispose d’autres endroits à explorer. À commencer par d’autres zones de la carrière, qu’il est vivement recommander de terminer à 100% pour engranger un maximum d’XP avant de se lancer dans la deuxième zone du jeu, puis la troisième, ajoutée récemment. On va donc pouvoir visiter, plus ou moins librement, plusieurs environnements qui ont le mérite de ne pas ressembler aux premiers visités.

On se retrouvera sous l’eau, sous un affleurement dans un canyon, au sommet d’une montagne, bref, les environnements sont plus variés qu’on le pense au début du jeu, qu’on imagine “tellement répétitif”… On voit du pays - américain. On se prendra même à vouloir choisir un spot pour y faire une jolie photo depuis notre drone.

Ce que je trouve de plus agréable dans DFH est la répartition du temps de jeu : quand on en a marre de creuser, on va au musée nettoyer et/ou préparer les fossiles déjà envoyés, on assemble un dino, on le paint, on élabore son exhibition, et ensuite on retourne creuser. Oui, il y a de la routine, parce que c’est un métier qui est simulé ici, et estimons-nous heureux : la simulation s’arrête là. Ils auraient pu nous faire faire des conférences, des séances de signature de bouquins, nous emmener à Jurassic Park, tout ça… Il semble évident que si l’on n’a aucune sensibilité pour ce métier, on n’aimera pas DFH, et inversement.

Personnellement, je trouve que les développeurs ont trouvé un certain équilibre dans les tâches à accomplir, et leur variété permet de casser la monotonie qu’un non-passionné pourrait ressentir. Entre creuser, préparer les ossements, préparer les exhibitions, il y a de quoi faire selon son humeur du moment.

Je m’étonne des commentaires relatifs aux bugs censés plomber le jeu, surtout jouant dans des conditions pas prévues par les développeurs (sous GNU-Linux, clavier + TrackPad, résolution exotique). J’ai bien obtenu les achievements Steam que j’étais censé avoir, je n’ai jamais eu de problème avec mes sauvegardes, je n’ai jamais été bloqué dans ma progression pour quelque raison que ce soit.

Je pense qu’ici, il y a deux choses à prendre en considération :

Du coup, oui, on se retrouve coincé en voiture par un rocher ou un arbre en travers de la route. C’est tout nul, il faut sortir de la voiture, prendre la masse, et taper sur le rocher. Maintenant, si, dans la vraie vie, tu veux foncer dans le rocher avec ta 206 en espérant qu’à l’impact, c’est le rocher qui explose, libre à toi…

Bref, ne vous laissez pas influencer par les commentaires négatifs.

Conclusion

Dinosaur Fossil Hunter n’est pas le jeu de l’année. Il a néanmoins des qualités indéniables, et en particulier celle de s’intéresser à une niche. Ce jeu n’est pas une machine à cash, et l’éditeur et les développeurs le savent bien. Cela s’accompagne forcément de l’incertitude quant à son avenir, mais peut-être qu’il sera à l’origine d’une lignée de simulations bien plus profondes, et de l’augmentation de l’intérêt des joueurs pour cette profession. Et peut-être qu’on arrêtera de penser que les dinosaures, c’est que pour les enfants…