Nick Land est l’un des grands penseurs des Lumières sombres, pensée anti-démocratique qui imprègne la vision du monde d’une partie de l’entourage de Donald Trump et de la Big Tech.

Cet article de The Conversation est, une fois de plus, édifiant.

Déjà, cela montre ou rappelle à quel point la philosophie et la politique sont proches, et peuvent mutuellement s’influencer. Le point positif, c’est que cela permet de désacraliser la philosophie : ce n’est pas une bande de dingues qui s’astiquent en rond sans contact avec l’extérieur. La philosophie, l’exercice de pensée, a des conséquences concrètes sur la société : c’est un des éléments qui contribuent au progrès et à la connaissance.

Que l’on soit d’accord ou non avec une philosophie particulière, il serait absurde de prétendre qu’elle n’a aucun intérêt. Une philosophie, aussi extrémiste, aussi aberrante soit-elle, présente l’avantage d’ouvrir une réflexion ; ce n’est pas encore une doctrine. Elle peut expliquer les choses à faire, mais aussi montrer (même involontairement) ce qu’il ne faudrait pas faire.

Malheureusement, lorsque la société est en situation de paresse intellectuelle (comme c’est indubitablement le cas actuellement), le passage de la simple philosophie à la doctrine sociale est facilité. La réflexion est laissée à certains (comme Land), et pour peu qu’elle corresponde au pouvoir en place (technophile et capitaliste), c’est très facile de la transformer en doctrine, sans même avoir besoin de reprendre le jargon indigeste que le peuple ne comprendrait pas (et que le gouvernement n’a besoin de comprendre que dans la forme). Un jargon forgé de néologismes et de réchauffés auto-masturbatoires tels que “Lumières sombres”, “hyperstition” ou encore “accélérationnisme”, donnant de fait ses lettres de “noblesse” à l’image que l’on se fait des philosophes, mentionnée plus haut.

Or, Nick Land a des idées ouvertement antiégalitaires, racistes, antidémocratiques.

Cruelle ironie, Land est un partisan du “réalisme spéculatif” qui affirme, en substance, “qu’il existe une réalité indépendamment de nos représentations ou de notre subjectivité”. C’est — presque — ce que je formule dans le troisième axiome de l’anankéisme, sans avoir besoin de recourir à des théories issues de la “contre-culture” rave, l’occultisme ou des idéologies extrémistes.