Lost Lost : Les Disparus

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  1. En bref
  2. Contexte
  3. Personnages
  4. Histoire
    1. Une folie scénatistique
    2. Science, croyance
    3. Clivage
    4. Mystères et mysticisme
  5. Musique
  6. Conclusion

En bref

Ma série préférée depuis sa sortie en 2004, et de très, très loin. Probablement la meilleure série TV de toute l'histoire selon mes critères. Je me fais un marathon LOST pratiquement chaque année au retour de la saison chaude...

Cet article est truffé de spoilers, au point que j'ai pris la décision de n'en cacher aucun. Vous voilà prévenu !

Contexte

Un avion s'écrase sur une île mystérieuse au milieu du Pacifique. La série raconte l'histoire (les histoires) des survivants.

Personnages

J'ai envie de me concentrer sur d'autres aspects de la série que vous lister les personnages, sachant qu'il y en a beaucoup (plus que dans la liste que je fourni ici), alors je vais me contenter de quelques remarques personnelles.

La quantité de personnages impliqués dans cette série est époustoufflante, surtout considérant que la plupart d'entre eux ne peuvent pas forcément être considérés comme des personnages secondaires. Ils ont tous une personnalité très travaillée.

Le plus extraordinaire est d'avoir réussi à caster les acteurs parfaits - parfois prestigieux - pour chaque personnage. À moins que le plus extraordinaire ne soit de leur accorder une importance presqu'équivalente...

Forcément, certains personnages se détachent des autres, et constituent un "noyau dur" qui subsistera plus longtemps, un constat inévitable qui prend vie au sein-même de l'histoire puisqu'ils vont finir par constituer les "Oceanic 6". Cependant, même après cela, les histoires s'entremêlent, et les anciens personnages sont rappelés à notre bon souvenir.

Ce n'est pas une série où l'on introduit régulièrement un ou deux personnages à chaque épisode tout en évinçant d'autres, et ce n'est pas non plus une série où l'on fait mourir des personnages pour les ressussiter sans raison plus tard. J'estime (et c'est mon avis personnel) que chaque personnage est cohérent par rapport au(x) groupe(s) et à lui-même, et qu'il apporte quelque chose à la narration.

La diversité des personnages est un cas d'école, surtout considérant l'époque au cours de laquelle la série a été diffusée : trois ans seulement après les attentats du 11 septembre. Raconter une histoire avec un crash d'avion est un pari osé, plus encore lorsque l'un des personnages principaux est irakien ! Pari osé, mais pari réussi : Sayid est l'un des personnages préférés du groupe principal pour beaucoup de fans de la série (dont moi-même).

C'est un exemple parmi d'autres, car la série introduit quantité de gens d'horizons différents : un couple de coréens dont la femme cache des choses à son mari mafieux et violent (en réalité, ce sont ceux qui nous donneront le plus d'émotions), un afro-américain qui doit s'occuper de son fils de dix ans qu'il n'a jamais vu, un redneck charmant, une petite blonde enceinte jusqu'aux gencives, un millionnaire obèse, un junkie rockstar, bref, il y a de tout, et je n'en ai cité qu'une partie, et pas forcément les plus "importants" (une notion très relative dans LOST, encore une fois).

Diversité des personnages, diversité des cultures, et diversité des accents anglais : on a un peu de tout aussi, assez pour que ça m'ait marqué : américain évidemment (New-Yorkais, sudiste), british, australien, écossais, irlandais. Ils sont presque tous là.

D'ailleurs, c'est l'occasion pour moi de vous rappeler que les films et séries, ça se regarde en version originale sous-titrée, désolé pour les doubleurs mais les voix françaises faillissent à retranscrire ce genre de subtilités.

En fait, j'ai envie de dire que la perfection des personnages tient précisément en leurs imperfections : il est difficile de trouve un seul personnage sans faille, sans la moindre caractéristique dérangeante. Aucun n'est un invraisemblable héros. Sans aller jusqu'à dire que ce sont des gens ordinaires, ils ne sont pas non plus extraordinaires. Ils ont leurs propres lubies, leurs propres défauts, avec lesquels ils ont appris (ou non) à vivre.

Et c'est le coeur du sujet de la série, et ce qui fait qu'elle est, souvent, incomprise et injustement mal-aimée. Mais nous aurons l'occasion d'en reparler plus tard.

Autrement dit, et pour ma part, j'ai mes préférences - mes "poulains", et ces préférences ne seront pas les mêmes que les autres, ou pas pour les mêmes raisons, et ceci n'est possible que parce que le background de chaque personnage est travaillé, fouillé.

En ce qui me concerne, c'est tout particulièrement le cas de John Locke, magistralement incarné par Terry O'Quinn. J'adore le baroudeur survivaliste, cultivé et intelligent, perspicace et malicieux. J'aime moins le croyant, métaphysique, obscur et, parfois, manipulateur. Mais ces "défauts" en sont pour moi, et ne sont pas rédhibitoires parce qu'ils servent le propos de la série. Et cette remarque est valable pour tous les personnages. Magistral.

Histoire

Résumer l'histoire de LOST est une entreprise délicate.

Une folie scénatistique

Premièrement parce qu'en la résumant, on passe forcément sous silence beaucoup de choses qui pourtant mériteraient d'être mentionnées dans le cadre d'une critique. Il y a tellement plus à dire que simplement "c'est l'histoire de gens qui se crashent sur une île déserte" !

En effet, c'est ainsi que la série démarre, mais le double-épisode pilote (le plus cher de l'histoire au moment de sa diffusion) ne nous laisse pas penser que l'histoire va se limiter à cela : on se rend très vite compte que l'île est loin d'être anodine, ou même déserte.

Là encore, rappelons un peu de contexte : la série est sortie trois ans après Jurassic Park III. Pour rappel, la saga Jurassic Park a été tourné en partie sur l'île de Kauai, avec ses montagnes embrumées facilement reconnaissables. C'est là aussi que prend place le début de LOST.

Lorsque l'on entend des bruits étranges et que l'on voit des arbres arrachés à la jungle dans LOST, en 2004, il est facile d'y voir une série qui va surfer sur le succès (relatif) de la saga aux dinosaures.

Même pas ! Et pourtant, l'idée est même évoquée par l'un des personnages... Mais très heureusement, Jeffrey Lieber, J. J. Abrams et Damon Lindelof nous ont épargné cet affront.

Cet exemple est, là encore, un cas d'école : les scénaristes entraînent souvent le spectateur sur des terrains sujets à polémique, pour finalement révéler quelque chose de très différent et inattendu. Comme si (et c'est ce qu'il s'est passé, au moins partiellement) des éléments de narration étaient mis en place, et qu'ils verraient plus tard comment les exploiter.

C'est peut-être ce qui fait l'intelligence du scénario de LOST : quand même les scénaristes ne savent pas encore où ils vont avec un élément donné, la suite ne peut être que surprenante.

Je parle d'intelligence parce que je trouve que les pirouettes scénaristiques sont - presque - toujours opportunes, appropriées. Ce que je trouve - pardon pour la répétition mais je marche sur des oeufs - particulièrement impressionnant, compte tenu de la densité de l'(des) histoire(s).

Comble de la folie scénaristique, il sera - tardivement - question de voyages temporels. "Voyages temporels", voilà bien une locution qui inspire les plus grandes craintes pour la qualité d'une production artistique ! Et pourtant, là encore, LOST s'en sort remarquablement bien.

Permettez-moi une facilité linguistique ici : l'histoire de LOST devient de plus en plus bordélique, mais reste assez facile à suivre, en tout cas selon moi.

Permettez-moi également de massivement vous spoiler à partir de maintenant.

Malgré la cohérence (la logique) de l'ensemble scénaristique, la fin de la série continue de diviser. J'ai même parfois l'impression d'être le seul à avoir compris, ou du moins apprécié, la fin de LOST. Rah ! Laissons tomber le bien-parlé : j'ai été (et je suis toujours !) bouleversifié par la fin de LOST. Voilà.

Le plus drôle, c'est que je ne suis pas le seul à prétendre avoir compris la fin de la série, mais avec une compréhension différente des autres...

Je dirai même : c'est la seule fin de série que j'ai vu qui me paraisse aussi bonne. Aucune autre série (que j'ai vue) ne se conclue aussi bien, parce que tout le monde cherche toujours à presser encore plus le filon. La fin de LOST est conclusive, absolue, et ne laisse aucune possibilité à une suite, et c'est tant mieux. Plus ne veut pas dire mieux, et je persiste et signe : LOST est une série parfaite parce qu'elle se termine sur une vraie conclusion (narrative).

Ce qui sème la discorde quant à cette fin, c'est qu'elle est largement incomprise. C'est le risque à explorer des thèmes aussi abstraits et/ou divergeants que le voyage dans le temps, les croyances et superstitions. Mais, lorsque l'on admet l'hypothèse selon laquelle toute l'histoire présente (c'est-à-dire, partant du premier épisode de la première saison) se déroule dans l'antichambre de l'Enfer, la fin devient parfaitement cohérente, et même, positive.

Ceci dit, il semblerait que sur Internet, ce soit précisément parce que l'on soutient cette hypothèse que la fin ne tient plus.

C'est là mon interprétation spécifique de la fin de LOST : à l'image de son générique introducteur, la série est floue. Chaque "mystère", chaque évènement peut s'interpréter différemment selon les gens. En ce sens, les scénaristes ont réussi une prouesse d'écriture parce qu'encore aujourd'hui, personne n'a de réponse absolument définitive sur l'ensemble des questions posées par le script. C'est machiavélique de leur part, mais cela alimente un fan-service et des discussions qui se prolongent bien au-delà de la conclusion de la série qui, par conséquent, n'a pas besoin d'être ouverte.

Je trouve cela brillant et frustrant à la fois (mais plus brillant quand même...).

Science, croyance

C'est ainsi que j'introduis mon "deuxièmement" : LOST est donc une série compliquée à résumer aussi parce que science et croyance sont constamment en opposition. On peut aussi remplacer "science" par "rationnalisme" ou "pragmatisme", et "croyance" par "foi" ou "religion". Ainsi, comme dit précédemment, chaque évènement peut s'interpréter de différentes manières, selon qu'on l'aborde du point de vue scientifique ou théologique.

Contrairement à, par exemple et dans un tout autre registre, The Big Bang Theory où la science est toujours mise en avant et la religion toujours dépréciée, LOST est beaucoup moins manichéenne. Bien qu'il n'y ait jamais de fanatisme avoué, l'opposition entre les deux est constante, et intelligemment menée. Moi qui suis profondément antithéiste, je ne suis jamais mis mal à l'aise par les éléments religieux présents dans LOST.

Principalement parce qu'ils sont variés, et parce que la série fourmille de détails et de références historiques et culturels, notamment dans les derniers épisodes. Je donnerai ici une très belle citation tirée de l'excellent film Le vol du Phénix :

La religion divise les Hommes. La foi les unis.

Bien que n'ayant pas de croyances, je concède à cette citation des qualités indéniables : elle est belle, poétique, mais aussi utopique. Mais elle représente parfaitement la fin de LOST, et ce n'est qu'en étant attentif aux détails qu'on peut s'en rendre compte.

Évidemment, la religion chrétienne est prépondérante. C'est elle qui fourni principalement l'iconographie (les anges, la colombe) et les prétextes (le baptême, le prêtre). Néanmoins, la série fait tout de même preuve d'une inclusivité précurseuse, et pas seulement en termes de croyances (on l'a vu en termes d'ethnicités).

Clivage

Troisièmement, parce que la série divise, même au sein-même des communautés de fans : je crois qu'il est virtuellement impossible de concilier résumer la série et le faire de façon objective, pour toutes les raisons déjà évoquées. C'est évidemment universel : toute chose en ce monde regroupe des partisans et des détracteurs, mais LOST est une série particulière. Elle est si foisonnante qu'elle crée, schématiquement, ses propres religions et ses propres évangélistes.

J'ai envie de vous faire aimer la série pour toutes ces raisons, y compris si vous l'avez déjà vue et qu'elle ne vous a pas encore marqué. Parce que je suis persuadé qu'avec une nouvelle lecture, vous découvrirez de nouveaux éléments de réflexion, des choses sur lesquelles vous ne vous étiez pas attardé précédemment, voire des choses que vous avez franchement détesté à l'époque mais qui, vues avec des yeux neufs, pourraient vous intéresser aujourd'hui.

LOST appelle à la réflexion sans y obliger. On peut regarder la série sans se poser de questions, en se laissant simplement porter par le scénario. Mais on peut aussi réfléchir à chaque épisode, qui propose ses propres morales. Il y a tant de sujets intéressants abordés, et toujours au moins deux points de vue différents. Évidemment, la trame scénaristique force souvent certains choix intellectuels pour pouvoir avancer (par exemple concernant les dispositions prises pour les personnes décédées lors du crash), mais ils amènent toujours une autre perspective, pas forcément évidente de prime-abord.

C'est encore plus évident lorsque Les Autres interviennent : les choix moraux sont de plus en plus difficiles, les contraintes sont de plus en plus fortes, jusqu'à la confrontation finale. Cela confère à la série un suspense haletant, et des vagues d'émotions rarement perçues dans une série télévisée.

Mystères et mysticisme

Enfin, la quatrième raison pour laquelle résumer LOST est difficile, est le nombre d'éléments scénaristiques non élucidés, ou encore sujets à débats. Comme je l'ai dit avant, leur présence-même fait qu'une fin ouverte n'est pas nécessaire, mais présente le désavantage d'empêcher leur mention utile dans un résumé.

Par exemple, si je vous révèle la nature du "monstre" - ce que je serai "obligé" de faire lors d'un résumé couvrant l'intégralité de la série - je vous gâcherai le plaisir de l'apprendre par vous-même.

Résumer LOST reviendrait à vous offrir un excellent cadeau, vous privant de ce fait de découvrir l'objet en question, puis du désir de le posséder, puis de la satisfaction de l'avoir acquis (oui, c'est bien un exemple tiré de The Big Bang Theory).

Autre exemple : une suite de nombres apparait constamment dans la série. Ne pas le mentionner dans un résumé serait ne pas rendre justice à cette série de nombres que tout fan connaît par coeur. Mais le mentionner n'apporterait rien à votre compréhension globale de la série, et à moins d'avoir une curiosité pour les nombres, ne vous inciterait pas forcément à la voir. Pourtant, c'est un élément central du scénario.

Et c'est pratiquement ça à chaque épisode.

La liste des éléments "mystérieux" est très longue. Comprenez par là que ce sont des éléments qu'il n'est pas forcément évident de comprendre ou d'anticiper, et que c'est ce qui fait que la série est aussi intéressante. Certains de ces éléments ne sont révélés que très tardivement dans l'histoire (comme la nature du "monstre", donc), voire dans des productions annexes à la série originale. La qualité "mystérieuse" de ces éléments scénaristiques n'en fait pas des éléments non-essentiels pour autant.

En vérité, c'est l'adjectif qui définit le mieux l'ensemble de la série : les "mystères" de LOST ne sont pas comme des enquêtes qui aboutissent à la fin de chaque épisode ; ce sont plutôt les éléments d'un grand puzzle qui s'assemblent petit à petit pour, au final, former une véritable mythologie.

Les environnements - magnifiques, il faut le préciser - contribuent largement à ce sentiment de mystère et de mysticisme. On l'a dit, les montagnes de Kauai y sont pour quelque chose, mais les environnements intérieurs ne sont pas en reste : du bunker des années 1970 au temple d'inspiration Maya, du labo high-tech à la salle d'examen délabrée, les lieux explorés sont empreints d'une certaine "magie". On a insufflé à ces décors une vie, une histoire passée, calquée sur des éléments réels mais émulsionnée pour produire un résultat déconcertant de cohérence, d'esthétisme et d'authenticité.

Là encore, c'est avec Les Autres que l'on s'en rend particulièrement compte, et plus encore lorsque l'on creuse les références. Je dirais simplement que le contraste entre le projet Dharma et les natifs est saisissant, aussi bien sur le plan esthétique (les uns équipés de la technologie des années 1970, les autres préférant un mode de vie moins moderne) que sur le plan historique (européens contre américains natifs, par exemple).

Ce sont des références qui ne sont pas forcément évidentes en première lecture. Mais ce sont précisément ces références qui rendent la série aussi intelligente. Et ces références sont légion.

Musique

LOST est la série TV qui m'a fait découvrir Michael Giacchino, qui signera plus tard l'excellente bande originale de Jurassic World. Les thèmes musicaux de la série sont magnifiques, appropriés aux situations, dans une construction semblable à celle employée dans certains jeux-vidéo (j'ai Final Fantasy VII en référence), c'est-à-dire que lorsque l'on entend un thème particulier, on sait que l'on va se trouver dans une situation d'exploration, ou de danger, de stress, de mélancolie.

La musique de Giacchino parle, et elle dit des choses très belles... Elle touche les émotions (le départ du bateau... quelle composition !). Elle personnifie la série. En vérité, je formule les mêmes remarques que dans ma critique de Jurassic World :

[...la musique] transporte le spectateur à travers toutes les émotions possibles : enthousiasme, excitation, angoisse, suspense, soulagement.

Si l'on excepte le cas de Jurassic World: Dominion, ces remarques m'amènent à me dire que Michael Giacchino devrait être considéré comme un traducteur, plus que comme un musicien : il traduit l'histoire en langage musical. Sa musique n'est pas générique : c'est l'oeuvre originale qui lui confère sa personnalité et vice-versa.

Conclusion

J'ai écrit cette critique après vingt ans de visionnage. J'ai donc beaucoup de choses à dire, et le matériel de base s'y prête facilement. Pourtant, j'ai le sentiment de ne pas en avoir assez fait, alors que c'est probablement l'article le plus long sur mon blog à ce jour.

Néanmoins, j'espère vous avoir donné envie de vous y (re)mettre. LOST est une série TV exceptionnelle, souvent mal jugée à cause d'une fin qui divise.

Ce que j'espère par-dessus tout, en réalité, c'est que :

  • si vous n'avez jamais vu la série, vous ayez envie de la regarder
  • si vous l'avez déjà vue mais que vous ne l'avez pas appréciée, je vous ai donné envie de la revoir avec un esprit plus ouvert
  • si vous l'avez déjà vue et que vous l'avez aimé, vous la regardiez à nouveau !